Connaissez-vous beaucoup de femmes ayant excellé dans plusieurs disciplines que tout oppose ?
On a tendance à penser qu’on a tous un talent particulier et qu’on ne peut pas être bon en tout.
Ella Maillart nous prouve le contraire.
Née en 1903 à Genève, en Suisse, elle grandit entourée de lacs et de montagnes. L’école ce n’était pas son truc (pas du tout même). Ella rêvait d’aventures, de liberté et surtout pas d’une vie bien rangée (à servir son mari ou s’occuper de la maison et élever ses enfants). Hors de question pour elle.
Cette liberté, elle la trouva dans le sport.
Enfant, tous les dimanche, sa mère l’emmenait skier (pratique peu courante à l’époque de la première guerre mondiale).
Mais difficile de résister à l’appel de l’eau quand on habite au bord du lac Léman.
Elle s'essaie aussi à la voile et apprend à naviguer à l’âge de 10 ans, accompagnée de sa grande amie d’enfance, Hermine de Saussure (qui se faisait appeler "Miette").
Pour Ella, c’était le ski en hiver, la voile en été.
C’est toutefois la navigation qui devient très vite sa plus grande passion. Pour elle, l’eau a quelque chose de magique et d’énergisant.
Elle accomplit ses premiers exploits dès son plus jeune âge.
À 13 ans, elle gagne ses premières régates.
À 16 ans, elle fonde le premier club féminin de hockey sur terre de Suisse romande (autre discipline dans laquelle elle excelle).
À 21 ans, elle participe aux Jeux Olympiques de Paris, en solitaire, seule avec sur son voilier. Elle sera la seule femme de l'épreuve, et aussi la plus jeune. Elle termine neuvième sur dix-sept (pas mal pour une première participation)
Et à 27 ans elle participe aux championnats du monde de ski pour défendre les couleurs de la Suisse, durant 4 années consécutives. Tous ces sports étaient habituellement réservés aux hommes, mais elle s’en moque. Et croyez-le ou non, mais on lui diagnostique une santé fragile lorsqu’elle était enfant...
Redoubler d’effort et renforcer son métabolisme grâce au sport, c’était sa réponse aux médecins qui auraient pu en décourager plus d’un.
Ella Maillart est la preuve vivante que tout est possible quand on s’en donne les moyens.
Nous avons tous des capacités insoupçonnées mais bien souvent on se laisse influencer par ce que vont penser les autres.
Ella mène sa vie comme elle l’entend, allant contre vents, marées et préjugés.
Ella et sa meilleure amie, surnommée “Miette”, ont même un rêve fou : traverser l’Atlantique pour rejoindre la Polynésie française avec leur thonier (bateau servant à la pêche au thon) qu’elles ont d’ailleurs baptisé ”Atalante”.
Malheureusement, Miette tombe gravement malade et le projet ne voit jamais le jour (Ella étant privée de sa capitaine).
Miette finit par se marier et par avoir une fille mettant définitivement un terme au rêve d’Ella.
Ce fut un sacré coup dur et pendant plusieurs années elle enchaînera des métiers en tout genre :
- dactylo
- vendeuse
- modèle pour un sculpteur à Paris
- actrice au studio d'art dramatique à Genève
- professeur de français aux Pays de Galles
- doublure sportive dans des films de montagne à Berlin
- actrice dans un film de ski tourné à Mürren en Suisse...
...Et capitaine de l’équipe suisse féminine de hockey sur gazon.
Est-ce que c’est humainement possible de vivre autant de vies ?
A cette époque-là, et après avoir fait tellement de choses différentes, Ella était complètement perdue.
Tout ce qu’elle lisait ou voyait la déprimais.
C’est lors d’un séjour à Berlin, qu’elle fait la rencontre d’émigrés russes qui lui proposent de faire des reportages : l'un sur la jeunesse russe et un autre sur le cinéma soviétique.
Ni une ni deux, elle saute dans un train direction Moscou et c’est là que débute sa deuxième vie...
La nouvelle vie d’Ella ?
Écrire pour pouvoir voyager. Elle allait devenir reporter.
Après un court séjour en Russie, elle ressent le besoin de partir plus loin, à la découverte de grands espaces.
Et quand Ella voit grand, je vous assure que c’est grand.
Sans jamais quitter son fameux Leica, elle part arpenter les montagnes d’Asie centrale, à pied, en train, en bus, en camion, en voiture et à dos de cheval ou de chameau, à la recherche de sérénité et de paix intérieure.
Ni plus ni moins, elle deviendra ainsi…
...La première femme à arpenter le Caucase russe,
...La première chroniqueuse sportive à devenir envoyée spéciale en Mandchourie (Chine),
...La première femme aventurière à parcourir seule le Turkestan soviétique et à traverser la Chine et l’Asie centrale en duo, et…
...La première voyageuse à rejoindre Kaboul en compagnie d’une autre femme à bord d’une voiture Ford décapotable des années 1930.
Franchement, on ne peut avoir que de l’admiration face à une telle force de la nature.
Ses mésaventures et les risques encourus pour réaliser ses articles montrent l’étendu de son courage et sa détermination.
Alors que l’Europe traverse la deuxième guerre mondiale, Ella se retire en Inde en quête de “vérité” intérieure.
Elle revient en Suisse après la guerre pour s’installer à Chandolin, un des villages les plus hauts d’Europe habités toute l’année.
Une destination de choix pour qui recherche calme, soleil et ressourcement à 2000 m d’altitude. C’est là qu’elle fera construire son propre chalet et aura ainsi, pour la première fois, à 45 ans, une maison rien qu’à elle.
Mais Ella à la bougeotte et profite d’une occasion unique et historique pour s’échapper à nouveau…
En 1951, alors que le Népal ouvre ses frontières aux touristes, Ella obtient l'autorisation exceptionnelle d’entrer dans le dernier royaume indépendant de l’Himalaya. Un pays encore inconnu qui a tout pour la fasciner.
Pendant trente ans, et ce jusqu’à ses 84 ans, elle organisera des voyages culturels, entraînant de petits groupes de touristes dans de nombreux pays d'Asie, partout où les découvertes sont encore possibles.
Grâce à ses nombreux récits et photographies, elle contribuera à la connaissance d’un monde aujourd’hui disparu.
Alors voilà, Ella c’est pour moi la preuve vivante que l’on peut toutes réussir (et exceller) dans n’importe quel domaine tant qu’on s’en donne les moyens et qu’on le fait avec le cœur.
Sportive aux multiples talents, aventurière bourrée d’humilité, écrivaine pleine de doutes et photographe modeste, elle écrit sans jamais s'attarder sur ses difficultés ni ses prouesses d'exploratrice.
Une femme libre au destin extraordinaire.